COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS

SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE 

(CHAPITRE 3, RAPPORT ANNUEL 2019 DU BUREAU DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE DE L’ONTARIO, LE VOLUME 3)

1re session, 43e législature
2 Charles III

ISBN 978-1-4868-7447-7 (Imprimé)  

ISBN 978-1-4868-7445-3 [Anglais] (PDF)  ISBN 978-1-4868-7446-0 [Français] (PDF)  ISBN 978-1-4868-7443-9 [Anglais] (HTML)  ISBN 978-1-4868-7444-6 [Français] (HTML)

 

 

L’honorable Ted Arnott, MPP
Président de l’Assemblée législative

Monsieur le président,

Le comité permanent des comptes publics a l’honneur de présenter son rapport et de le confier à l’Assemblée.

Le président du comité,
 

 

 

                 

Tom Rakocevic, MPP         

Queen's Park
Novembre 2023

 

 

 

 

 

 

COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS

LISTE DES MEMBRES

1re session, 43e législature

TOM RAKOCEVIC

Président

DONNA SKELLY

Vice-présidente

WILL BOUMA                                                                          FRANCE GÉLINAS

RICK BYERS                                                                        LOGAN KANAPATHI

LUCILLE COLLARD                                                           *TODD J. MCCARTHY

STEPHEN CRAWFORD                                                                LAURA SMITH                    

                                                                                                               Thornhill

RUDY CUZZETTO                                                                     LISE VAUGEOIS

 

*À compter du 26 septembre 2023, TODD J. MCCARTHY ne fait plus partie du Comité.

KRISTYN WONG-TAM a régulièrement remplacé des membres du comité.


TANZIMA KHAN

Greffière du comité

LAUREN WARNER

Recherchiste

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Présentation

Le 20 mars 2023, le Comité permanent des comptes publics a tenu des audiences publiques sur l’audit de l’optimisation des ressources du système de justice pénale (Rapport annuel 2019 du Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario), sous la supervision du ministère du Procureur général.

Le Comité accueille les observations et recommandations faites par la vérificatrice générale en 2019 et présente ici ses propres constats, points de vue et recommandations. Le ministère du Procureur général (le « Ministère ») est prié de donner suite à ces recommandations par écrit à la greffière du Comité dans les 120 jours civils suivant le dépôt du rapport auprès du président de l’Assemblée législative, sauf indication contraire.

Remerciements

Le Comité tient à remercier les représentantes et représentants du Ministère. Il souhaite également souligner la contribution du Bureau de la vérificatrice générale, de la greffière du Comité et du Service de recherche de l’Assemblée législative. Il tient aussi à exprimer sa reconnaissance aux juges en chef de la Cour supérieure de justice et de la Cour de justice de l’Ontario.

Contexte

Le système de justice pénale de l’Ontario est essentiellement régi par le Code criminel du Canada (le « Code criminel »), la loi fédérale qui établit le droit pénal et la procédure pénale au pays, avec d’autres lois fédérales et provinciales.

En Ontario, les procureures et procureurs de la Couronne travaillant pour la Division du droit criminel du Ministère agissent comme mandataires du procureur général de l’Ontario et intentent des poursuites pour des infractions prévues par le Code criminel et la législation provinciale.

La plupart des affaires criminelles sont entendues par la Cour de justice de l’Ontario (la « Cour de l’Ontario »). Cependant, certaines accusations graves (comme les meurtres ou le trafic de stupéfiants) sont instruites par la Cour supérieure de justice (la « Cour supérieure »).

Bien que les membres de l’appareil judiciaire travaillent avec le Ministère à l’administration de la justice, la magistrature est un organe distinct et indépendant du gouvernement. Selon la Loi sur les tribunaux judiciaires, les juges principales régionales et juges principaux régionaux ainsi que leurs personnes déléguées, sous la direction et la supervision des juges en chef, préparent les rôles. Elles et ils assignent aussi des causes et d’autres fonctions judiciaires à chaque juge, déterminent la charge de travail de chaque juge, fixent le calendrier des sessions et des lieux où elles se tiennent pour chaque juge, et réservent les salles d’audience.

Le personnel des tribunaux travaillant pour la Division des services aux tribunaux du Ministère assure un soutien administratif aux tribunaux ontariens.

Retards et arrêt R. c. Jordan

L’audit de 2019 a relevé un arriéré croissant d’affaires en attente d’une décision des tribunaux criminels de l’Ontario. Cette situation est préoccupante, parce que le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est garanti à l’alinéa 11 b) de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »).

Dans l’arrêt R. c. Jordan de 2016, la Cour suprême du Canada a établi un nouveau cadre pour déterminer les contraventions à ce droit. Essentiellement, la Cour a jugé que si une affaire n’est pas réglée en 18 mois à la Cour de l’Ontario ou en 30 mois à la Cour supérieure, le délai est présumé déraisonnable (donc en contravention au droit garanti par la Charte d’être jugé dans un délai raisonnable), à moins de preuve contraire de la procureure ou du procureur de la Couronne. Sont déduits du calcul du plafond présumé les retards imputables à la défense et aux circonstances exceptionnelles. Le recours pour ce type de contravention est la suspension des procédures (désistement de l’instance contre la personne accusée).

Suivant l’arrêt Jordan, entre juillet 2016 et août 2019, 191 affaires intentées dans la province ont été suspendues pour délai déraisonnable.

Objectifs et portée de l’audit de 2019

L’audit visait « à déterminer si le [Ministère] avait mis en place des systèmes et des procédures efficaces pour accomplir les tâches suivantes :

· utiliser les ressources ministérielles pour les tribunaux de manière efficace et rentable;

· appuyer le règlement en temps opportun des affaires de droit pénal en assurant la prestation uniforme des services judiciaires à l’échelle de la province, conformément aux lois applicables et aux pratiques exemplaires;

· mesurer périodiquement les résultats et la prestation efficace des services judiciaires et en rendre compte publiquement afin de contribuer à un système de justice rapide, équitable et accessible. »

L’audit, qui visait principalement le Ministère et sept palais de justice sélectionnés, s’est déroulé de janvier à août 2019.

Problèmes soulevés durant l’audit et auprès du Comité

Le Comité a appris que malgré les difficultés associées à la COVID-19, le Ministère a pris d’importantes mesures pour appliquer beaucoup de recommandations de la vérificatrice générale. La pandémie a mis énormément de pression sur le système judiciaire. Les tribunaux n’ont pas entendu d’affaires en personne pendant des mois, et quand ils ont rouvert, il y avait des limites au nombre de personnes pouvant être présentes et aux types d’instances pouvant être instruites. Selon le Ministère, cela a entraîné un arriéré important des affaires criminelles actives en cours.

Pour s’attaquer à l’arriéré et éviter la suspension d’affaires pour délai déraisonnable, le Ministère a opté pour des solutions virtuelles et numériques. Le Comité a découvert que depuis l’audit de 2019, il y a eu des investissements pour moderniser le fonctionnement des tribunaux, dont 65 M$ pour la technologie vidéo et d’autres initiatives, comme l’Initiative des solutions numériques pour la justice pénale (voir ci-dessous).

Le Ministère a également pris des mesures pour réduire le nombre de dossiers dans le système et accorder la priorité à la poursuite des infractions les plus graves. Le 14 août 2020, le procureur général de l’Ontario a émis une directive temporaire sur la relance post-COVID-19 qui obligeait les procureures et procureurs à examiner toutes les poursuites existantes et nouvelles et à envisager les sanctions possibles et appropriées pour clore les dossiers le plus rapidement possible.

De plus, le gouvernement a investi 72 M$ sur deux ans dans la stratégie de réduction des retards dans le traitement des dossiers criminels. Voici quelques-unes des mesures prises à cet égard :

· modification de la directive sur la relance post-COVID-19 destinée aux procureures et procureurs;

· amélioration de la capacité des procureures et procureurs de la Couronne d’évaluer plus rapidement les positions concernant les mises en liberté sous caution;

· augmentation de la capacité du Programme d’aide aux victimes et aux témoins de l’Ontario;

· création d’un système d’équipes régionales de résolution virtuelle (les procureures et procureurs de la Couronne et le personnel non juridique travaillant à la résolution des affaires mineures).

Nombre d’affaires criminelles en attente d’une décision

Le Comité a voulu connaître l’état actuel de l’arriéré des affaires criminelles. Au moment de l’audit de 2019, la vérificatrice générale avait dit que de 2014-2015 à 2018-2019 :

· le nombre d’affaires criminelles en attente d’une décision a augmenté de 27 % pour s’établir à environ 114 000;

· le nombre moyen de jours requis pour régler une affaire criminelle a augmenté de 9 % (passant de 133 à 145 jours).

Le Ministère a indiqué continuer de voir les répercussions de la pandémie, mais que ses efforts pour s’attaquer à l’arriéré (attribuable à la COVID-19) ont porté leurs fruits. Il y avait notamment 21 000 affaires criminelles actives en cours en moins à la Cour de l’Ontario à la fin de décembre 2022 que lors du pic de la pandémie, en décembre 2020.

Le Comité a appris que l’arriéré actuel varie considérablement selon la région. Certaines régions ont été très efficaces pour le faire disparaître, tandis que d’autres ont plus de difficultés. Cependant, le nombre de dossiers suspendus en raison d’un délai déraisonnable est resté relativement stable (avant comme pendant la pandémie), à environ 0,03 % des affaires. En outre, le Ministère n’a perdu aucun cas d’homicide à une telle suspension jusqu’à maintenant.

Recommandation du Comité

Le Comité permanent des comptes publics recommande ce qui suit :

1. Que le ministère du Procureur général fournisse annuellement des données à jour au Comité sur le nombre actuel d’affaires criminelles en attente d’une décision, le nombre moyen de jours requis pour instruire une affaire criminelle et la méthode de règlement employée.

Numérisation et divulgation de la preuve

Le Comité a posé des questions sur la transition du système de justice pénale, qui avait commencé à délaisser le papier pour les systèmes numériques pendant la pandémie. Le Ministère a expliqué avoir créé un système numérique interne, appelé Solutions numériques pour la justice pénale (Initiative des SNJP).

L’objectif de l’Initiative des SNJP est de [traduction] « moderniser le secteur de la justice pénale de A à Z ». Le Ministère a collaboré avec le ministère du Solliciteur général (SOLGEN) et d’autres partenaires du secteur de la justice pour que l’information, la documentation et la preuve en lien avec les dossiers criminels puissent être communiquées en ligne, selon le cas.

Le Comité a appris qu’une fonction importante de l’Initiative des SNJP est la possibilité de produire numériquement la preuve. Au moment de l’audit de 2019, la vérificatrice générale avait relevé que le Ministère et les services de police n’avaient pas de rôles et de responsabilités officiellement convenus en matière de divulgation de la preuve et que les retards dans la communication de renseignements par la police aux procureures et procureurs de la Couronne contribuaient à l’arriéré. (La Couronne a le devoir de divulguer tous les éléments de preuve pertinents à la personne accusée, devoir découlant du droit de cette dernière à une défense pleine et entière.)

Grâce à l’Initiative des SNJP, les services de police peuvent, à l’aide d’un ensemble cohérent d’outils et de normes, gérer et stocker les dossiers numériques d’enquête et de preuve, et les communiquer à la Couronne. D’après le Ministère, l’initiative [traduction] « accélérera la circulation de l’information » de la police à la Couronne et de la Couronne à la défense.

Le Ministère a mentionné que l’un des plus grands défis associés au respect du délai fixé dans l’arrêt Jordan est le retard dans le processus de divulgation (c’est-à-dire le temps nécessaire pour que la preuve soit envoyée par la police à la Couronne, examinée, puis transmise à l’avocate ou avocat de la défense). Le processus est désormais plus long vu la multiplication des preuves électroniques, comme les vidéos sur les téléphones cellulaires ou les caméras d’intervention. Il faut mobiliser énormément de ressources pour visionner et traiter ces preuves. Bien que l’Initiative des SNJP ne compte pas le temps qu’une personne prend pour examiner ces éléments de preuve, elle donne au Ministère la capacité technique de transférer efficacement les médias numériques de la police à la Couronne, puis de la Couronne à la défense.

Depuis 2016, le Ministère travaille avec la police et le SOLGEN pour préparer un protocole d’entente (PE) cadre qui définira clairement les rôles et responsabilités dans le processus de divulgation. Au moment de l’audit de 2019, la vérificatrice générale avait recommandé au Ministère de collaborer avec le SOLGEN pour préciser les rôles et responsabilités des services de police et des procureures et procureurs de la Couronne dans le processus et de réviser le PE pour inclure ces rôles et responsabilités.

Cependant, jusqu’à maintenant, seulement 27 des 47 services de police de l’Ontario ont signé le PE. Le Comité a appris que le Ministère élaborait des stratégies avec le SOLGEN pour inciter les autres à le signer.

Recommandations du Comité

Le Comité permanent des comptes publics recommande ce qui suit :

2. Que le ministère du Procureur général continue de travailler avec le ministère du Solliciteur général et les services de police pour inciter tous les services de police à signer le protocole d’entente cadre sur la divulgation.

3. Que le ministère du Procureur général, de concert avec le ministère du Solliciteur général, remette au Comité une liste des services de police ayant signé le protocole d’entente cadre et ceux qui ne l’ont pas, ainsi que les raisons pour lesquelles certains ne peuvent pas le signer.

4. Que le ministère du Procureur général détermine les ressources nécessaires pour examiner la preuve électronique et compare l’Ontario au reste du Canada.

Priorisation des affaires et protection des victimes d’actes criminels

La stratégie ministérielle de réduction de l’arriéré attribuable à la COVID-19 comprend un volet d’identification et de priorisation des affaires qu’il y a lieu de résoudre rapidement et efficacement. Lors de l’audit de 2019, la vérificatrice générale avait remarqué que les infractions liées à l’administration de la justice, comme le non-respect des conditions de cautionnement et le défaut de comparaître, accaparent de plus en plus de ressources. Du point de vue des procureures et procureurs, ces infractions sont mineures et simples, mais prennent beaucoup de ressources.

Le Comité a demandé comment sont déterminées les affaires à prioriser pour veiller à la protection des victimes vulnérables. Le Ministère a répondu que les dossiers mis en priorité pour une résolution rapide (p. ex., par la déjudiciarisation hors du système de justice pénale) sont ceux de faible gravité ne concernant pas ou n’ayant pas d’incidence sur les victimes directement. Le Ministère avait donné comme directive aux procureures et procureurs de la Couronne de cibler la résolution de ce genre de dossiers quand cette approche est compatible avec la sécurité publique.

Un autre volet de la stratégie est que l’on consacre des ressources à la poursuite des affaires graves. Par exemple, certaines des ressources de réduction de l’arriéré du Ministère ont été affectées à des équipes spécialisées de procureures et procureurs de la Couronne pour instruire des homicides. Pareillement, le Ministère a affecté du personnel à l’amélioration de la préparation et de la poursuite des dossiers majeurs ainsi qu’au soutien à la poursuite des affaires graves.

De plus, le système de modélisation pour la gestion des impacts relatifs aux causes permet maintenant de suivre les ressources de la Couronne et de déterminer où les affecter. Le système de modélisation est un [traduction] « outil de modélisation des données scientifiques basé sur la pondération des affaires » qui aide le Ministère à évaluer les effets du volume et de la complexité des cas sur la charge de travail des procureures et procureurs.

À l’aide de ce système, on peut pondérer l’évaluation des répercussions de la charge de travail sur les procureures et procureurs de la Couronne selon le volume d’affaires. La poursuite de certaines affaires, comme les cas de violence grave, nécessite énormément de ressources. Grâce au système de modélisation, le Ministère peut déterminer, en fonction du type d’affaires, les ressources à affecter aux bureaux de la Couronne. Par exemple, si un bureau doit s’occuper de plusieurs cas d’homicides, il se peut qu’on doive réaffecter des procureures et procureurs de la Couronne à cet endroit, puisque la poursuite de ce type de cas requiert un nombre disproportionnellement élevé de ressources.

Surveillance et collecte de données

Suivi des affaires susceptibles d’être suspendues

Parmi les recommandations de 2019 de la vérificatrice générale, l’une était que le Ministère fasse le suivi de toutes les affaires en attente d’une décision depuis plus de huit mois selon le lieu et la région où siège le tribunal et analyse les raisons des retards pour gérer proactivement les progrès des affaires criminelles dans le système judiciaire.

Le Comité a appris que le Ministère s’efforce de tirer profit des ressources disponibles pour faire le suivi des affaires susceptibles d’être suspendues. En particulier, le Ministère a ajouté un signal de huit mois au Système SCOPE (l’outil électronique de gestion des cas utilisé par la Couronne), qui avise les procureures et procureurs de la Couronne qu’il faut prioriser un dossier. Le Système SCOPE a aujourd’hui plusieurs signaux de couleur différente qui indiquent très clairement aux procureures et procureurs les affaires susceptibles d’être suspendues pour qu’elles et ils s’en occupent.

De plus, les gestionnaires de la Couronne peuvent produire des rapports à partir du Système SCOPE pour vérifier la vulnérabilité au dépassement du délai prévu dans l’arrêt Jordan à l’échelle du bureau, de la région et de la province afin de réassigner les ressources nécessaires à la gestion des risques. Le Ministère a aussi indiqué que le Système SCOPE peut produire une liste des affaires en attente d’une décision depuis plus de huit mois selon le lieu et la région où siège le tribunal.

En 2019, la vérificatrice générale avait également recommandé au Ministère de saisir tous les motifs de suspension des causes par les juges. Le Comité a appris que le Système SCOPE a été amélioré en août 2022 pour permettre aux procureures et procureurs de la Couronne de préciser les raisons des suspensions. Cependant, le Ministère a indiqué que la seule façon d’enregistrer toutes les raisons était de revoir manuellement les raisons écrites des juges et de lire la transcription ou d’écouter l’enregistrement audio de l’instance. Le Ministère a dit que les efforts et les coûts associés à cette démarche ne constituaient pas une bonne optimisation des ressources.

Le Comité a demandé si certaines des affaires suspendues concernaient des récidivistes violents. Le Ministère a répondu ne pas pouvoir le confirmer. Toutefois, il a souligné que l’intitulé des affaires dont les décisions sont suspendues pour délai déraisonnable est publié par les tribunaux et accessible au public. Il a ajouté que lorsqu’une affaire est suspendue à cause de problèmes de divulgation, elle est portée à l’attention de la procureure ou du procureur de la Couronne, de la directrice régionale ou du directeur régional et du bureau de la procureure ou du procureur en chef. Le Ministère prend ensuite des mesures avec le haut commandement du service de police concerné pour remédier à la situation.

Suivi des motifs de retrait d’accusations

Le Comité s’est informé des progrès du Ministère concernant la recommandation de la vérificatrice générale que ce dernier collecte certaines données sur les affaires où des accusations ont été retirées par la procureure ou le procureur de la Couronne.

Le Ministère a dit avoir pris des mesures pour consigner et analyser les motifs de retrait d’accusations et réduire le nombre d’affaires dans lesquelles des accusations sont retirées. Le Comité a aussi appris que le Ministère fait le suivi des raisons de l’effondrement d’une affaire (quand les accusations sont retirées le jour de l’enquête préliminaire ou de l’audience). Chaque fois qu’une affaire s’effondre, la procureure ou le procureur de la Couronne doit remplir un formulaire pour en expliquer la cause. Le Ministère peut ensuite surveiller les taux d’effondrement par bureau et région.

Le Ministère a expliqué que cette tâche est importante parce que l’effondrement des affaires peut engendrer des inefficacités dans le système de justice. Par exemple, si un dossier s’effondre le jour du procès, le tribunal n’a peut-être pas d’autres comparutions sur son rôle, donc il ne sera pas possible de tirer pleinement profit de la journée.

Le Ministère a poursuivi en disant qu’il existe beaucoup de causes d’effondrement : un témoin qui ne se présente pas le jour prévu ou rétracte son témoignage, par exemple, ou bien la personne accusée ou son avocate ou avocat qui révèle une nouvelle preuve qui convainc la Couronne que la défense est viable ou que la poursuite n’est plus dans l’intérêt public.

Systèmes et collecte de données

Le Comité a posé des questions sur la conclusion globale de la vérificatrice générale voulant que le Ministère « n’a pas mis en place de systèmes et de procédures efficaces pour déterminer si ses ressources sont utilisées ou affectées de façon efficiente et rentable et pour favoriser le règlement rapide des affaires criminelles ».

Le Ministère a répondu que les choses ont changé depuis l’audit. Il a maintenant en place le système de modélisation pour la gestion des impacts relatifs aux causes, qui lui permet d’évaluer la charge de travail des bureaux de l’ensemble de la province, ainsi que le Système SCOPE.

Le Comité a aussi posé des questions sur la capacité du Ministère de surveiller et de collecter les données sur le système judiciaire et les retards. Le Ministère a indiqué qu’il mettait en place un système de gestion des cas à la Cour de l’Ontario et à la Cour supérieure, ce qui lui donnera accès à des données plus fiables sur la mise au rôle et les opérations judiciaires.

Le Comité a appris que le Ministère est limité dans son utilisation des données appartenant aux tribunaux. En outre, des exigences légales l’empêchent de divulguer certains renseignements. Néanmoins, la Cour de l’Ontario publie annuellement des données que le Ministère rassemble, et si ce dernier demande la communication de données, il les obtient toujours. Les tribunaux acceptent généralement de transmettre leurs données suivant une demande du Ministère.

Recommandation du Comité

Le Comité permanent des comptes publics recommande ce qui suit :

5. Que le ministère du Procureur général rende compte au Comité du moment et de la mise en œuvre du système de gestion des cas de la Cour de justice de l’Ontario et de la Cour supérieure de justice.

Réduction des retards et de l’arriéré

Centres de justice

Le Comité a su qu’il existait différentes approches pour remédier aux retards et à l’arriéré dans les tribunaux. En plus d’accélérer le processus judiciaire, l’adoption de mesures peut réduire le nombre de cas entrant dans le système. Les centres de justice sont l’un des moyens d’atteindre cet objectif.

L’Ontario a actuellement quatre centres : un à Kenora, un à London et deux à Toronto. Ces centres s’occupent des cas moins graves et rassemblent des travailleuses et travailleurs de soutien pour aller à la source de l’implication de la personne accusée dans le système de justice pénale.

Par exemple, le Centre de justice de l’est du centre-ville de Toronto est axé sur les besoins des personnes du centre-ville pouvant souffrir de problèmes de santé mentale, de toxicomanie, de pauvreté ou d’insécurité de logement. Cette population a un taux disproportionnellement élevé de récidive pendant la liberté sous caution, souvent en raison de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie.

Le but de ce centre de justice est de lutter contre ce phénomène en offrant des programmes communautaires aux personnes à risque. Les centres de justice peuvent offrir de la stabilité aux personnes libérées sous caution par des interventions judiciaires régulières dans leurs affaires et des interventions régulières au moyen de programmes communautaires de traitement des problèmes de santé mentale et de toxicomanie.

Le Comité a appris que les données préliminaires montrent que le Centre de justice de l’est du centre-ville a réussi à réduire le taux de récidive. Le Centre est en activité depuis 2021, et on voit dans les données une diminution moyenne de 2,8 des affaires criminelles dans les 12 mois suivant la première comparution d’une personne accusée devant le Centre comparativement aux 12 mois précédents. En outre, plus de 90 % des personnes passant par le Centre sont moins portées à récidiver.

Consultation préalable à l’inculpation

Le Comité s’est fait dire que le Ministère consulte le SOLGEN sur les avantages d’adopter un modèle de consultation de la Couronne « préalable à l’inculpation ». Cependant, le Ministère a précisé qu’il est essentiel qu’il s’entende avec la police sur la possibilité d’aller de l’avant avec le projet et, le cas échéant, la manière de procéder.

Actuellement, l’Ontario est une province où la consultation est « postérieure à l’inculpation », ce qui signifie que la Couronne examine les chefs d’accusation seulement après leur dépôt. Si l’accusation ne cadre pas avec le seuil de sélection pour les poursuites (p. ex., en raison d’une insuffisance de preuve ou parce que la poursuite ne serait pas dans l’intérêt public), la Couronne la retire. Si la divulgation est incomplète, la Couronne attend qu’elle soit complète avant de procéder au retrait.

Dans un modèle de consultation préalable à l’inculpation, avant de porter des accusations, la police doit consulter une procureure ou un procureur de la Couronne, qui examine l’inculpation proposée en fonction du seuil de sélection. Si l’inculpation n’atteint pas le seuil, la Couronne recommande à la police de ne pas porter l’accusation. La Couronne peut aussi demander une divulgation complète ou quasi complète avant le dépôt des accusations pour bien évaluer la situation.

D’après le Ministère, le passage au modèle de consultation préalable permettrait d’éviter que le temps des tribunaux serve à attendre une divulgation complète. De plus, comme le délai limite prévu dans l’arrêt Jordan exclut le temps avant le dépôt d’une accusation, la divulgation préalable réduit le risque qu’un retard de divulgation contribue à une contravention à l’alinéa 11 b) et à une suspension de l’instance. Le Ministère a aussi dit que la consultation préalable permettrait de réduire le nombre d’accusations inutiles entrant dans le système, puisque seules les accusations pouvant donner lieu à des poursuites seraient portées. Il y aurait donc plus de ressources disponibles pour la poursuite des infractions graves.

Le Ministère a transmis des données au Comité sur le taux de retrait d’accusations dans les provinces ayant opté pour la consultation préalable et celles qui recourent à la consultation postérieure. De 2017 à 2021, dans le premier cas (Colombie-Britannique, Nouveau-Brunswick et Québec), le taux moyen de cas retirés ou suspendus variaient de 9 % au Québec à 31 % en Colombie-Britannique. Dans le second cas (Ontario, Nouvelle-Écosse et Saskatchewan), le taux était plus élevé, allant de 37,5 % en Saskatchewan à 48 % en Ontario. Selon le Ministère, ces données suggèrent un manque d’efficacité qui pourrait être corrigé par la consultation préalable à l’inculpation.

Déjudiciarisation

Le Comité a aussi appris qu’il existe d’autres mécanismes pour écarter les affaires mineures du système de justice pénale. Par exemple, pour un vol mineur, la Couronne peut choisir de mettre fin à la poursuite en aiguillant la personne contrevenante vers un programme communautaire pouvant s’attaquer à l’infraction commise. Cette approche est appelée la déjudiciarisation après inculpation.

Récemment, le Ministère a aussi travaillé avec plusieurs services de police à l’élaboration d’un programme policier de déjudiciarisation préalable à l’inculpation. Environ 15 services de police de la province ont signé une version de ce programme, qui les autorise à ne pas mettre la personne en accusation et à plutôt la diriger vers un programme de déjudiciarisation.

Recommandations du Comité

Le Comité permanent des comptes publics recommande ce qui suit :

6. Que le ministère du Procureur général continue son travail avec le ministère du Solliciteur général et les services de police pour analyser les avantages potentiels à passer à un système de consultation préalable à l’inculpation et rende compte de ses observations au Comité.

7. Que le ministère du Procureur général envisage d’instaurer plus de centres de justice et présente ses conclusions au Comité.

Libération sous caution

Temps requis pour trancher une mise en liberté sous caution

L’audit de 2019 a révélé que le nombre moyen de jours requis pour trancher une mise en liberté sous caution a augmenté depuis 2014-2015. Pour le faire diminuer, la vérificatrice générale avait recommandé, entre autres, que le Ministère évalue certaines de ses initiatives, comme son programme de procureures et procureurs de la Couronne chargés de filtrer ces dossiers (voir ci-dessous), pour accélérer le processus de mise en liberté sous caution et en éliminer les incertitudes. Elle avait également recommandé que le Ministère collabore avec la magistrature pour accroître l’utilisation de la téléconférence et de la vidéoconférence et discute de la possibilité d’allonger les heures de séance pour la tenue des audiences de libération sous caution des tribunaux de cautionnement.

Une procureure ou un procureur de la Couronne chargé de filtrer les dossiers de mise en liberté sous caution joue un rôle actif dans les tribunaux de cautionnement par sa collaboration avec les avocates et avocats de la défense, la police, les partenaires communautaires et les autres participantes et participants à la justice pour préparer la position de la Couronne sur la libération sous caution. Le Comité a appris que le rapport de surveillance du rendement de ces procureures et procureurs a été modifié et achevé au printemps 2021. En juillet 2022, le Ministère a fait passer le nombre de ces procureures et procureurs de 11 à 33 à l’échelle de la province.

Selon le Ministère, les procureures et procureurs de la Couronne chargés de filtrer les dossiers de mise en liberté sous caution [traduction] « peuvent réduire le nombre moyen de jours requis pour rendre une décision de libération sous caution, simplifier le processus et favoriser une résolution rapide des affaires ». Le système gagne ainsi en capacité, ce qui élimine le besoin d’allonger les heures de séance. Toutefois, le Ministère travaille avec la Cour de l’Ontario pour évaluer si l’allongement des heures pour la tenue des audiences des tribunaux de cautionnement permettrait de réduire le nombre moyen de jours requis pour trancher les libérations sous caution.

Le Comité a aussi appris qu’en raison de la pandémie, la Cour de l’Ontario a mis en œuvre de nouveaux processus virtuels. Le SOLGEN a signalé qu’on avait utilisé la vidéoconférence dans 97 % des comparutions sous garde devant les tribunaux dès mai 2021, principalement en raison du recours généralisé aux comparutions à distance pendant la pandémie.

Réforme du système de mise en liberté sous caution

Le Comité a également demandé si le Ministère voyait plus de contrevenantes et contrevenants violents être mis en liberté sous caution. Le Ministère a répondu que les statistiques disponibles n’étaient pas concluantes, bien qu’il y ait eu quelques cas médiatisés de crimes commis par une personne en liberté sous caution. Il a commenté qu’il aimerait que le Code criminel soit modifié pour imposer le fardeau de la preuve à la personne accusée d’avoir commis un crime avec une arme à feu ou de violence contre un partenaire intime, ou encore qui est une récidiviste violente, qui souhaite être libérée sous caution (plutôt que ce soit la Couronne qui doive prouver qu’on ne devrait pas libérer cette personne).

Recommandations du Comité

Le Comité permanent des comptes publics recommande ce qui suit :

8. Que le ministère du Procureur général surveille l’élargissement du programme des procureures et procureurs de la Couronne chargés de filtrer les dossiers de mise en liberté sous caution et son incidence sur le temps requis pour trancher les libérations sous caution.

9. Que le ministère du Procureur général poursuive sa collaboration avec la Cour de l’Ontario afin d’évaluer si l’allongement des heures de séance des tribunaux de cautionnement permettrait de réduire le nombre moyen de jours requis pour trancher les libérations sous caution.

Tribunaux de la santé mentale et de traitement de la toxicomanie

Le Comité a appris qu’il existe environ 40 tribunaux de la santé mentale, de traitement de la toxicomanie ou des deux dans la province. Ces tribunaux sont situés dans différents territoires de compétence, y compris le Nord de l’Ontario. Cependant, ils ne fonctionnent pas tous de la même façon. Certains sont en séance une journée par semaine, d’autres une demi-journée par semaine, en fonction des besoins.

L’audit de 2019 a permis de constater que l’absence de mandat spécifique et le manque de procédures et d’objectifs normalisés ainsi que de données limitent les retombées potentielles des tribunaux de la santé mentale. Notamment, on y indique que ces tribunaux n’ont pas d’objectifs spécifiques ni de résultats mesurables, et qu’il manque de données sur le nombre de personnes entendues et d’affaires instruites.

Le Ministère a dit que le suivi des résultats des tribunaux de la santé mentale et de traitement de la toxicomanie se heurte à deux difficultés. La première est que certaines données appartiennent aux tribunaux, donc la présentation de résultats sur leur rendement relève de la magistrature.

La deuxième, c’est que les systèmes existants ne permettent pas au Ministère de suivre le nombre de contrevenantes et contrevenants qui comparaissent devant ces tribunaux. Néanmoins, le Ministère espère que sa migration vers le nouveau système de gestion des enquêtes lui permettra d’améliorer ce suivi.

Le Ministère a ajouté que les tribunaux de la santé mentale et de traitement de la toxicomanie ne fonctionnent pas en vase clos; comme il a été dit, l’Ontario a aussi quatre centres de justice, dont certains conçus pour traiter les problèmes de santé mentale. Par exemple, le centre de justice de London a pour objectif de répondre aux besoins des jeunes adultes, dont beaucoup souffrent de troubles mentaux et n’ont pas d’occasions d’éducation, d’emploi ou de formation.

Recommandations du Comité

Le Comité permanent des comptes publics recommande ce qui suit :

10. Que le ministère du Procureur général continue de collaborer avec la magistrature et les autres parties prenantes afin d’encourager l’adoption d’indicateurs de rendement pour les tribunaux de la santé mentale.

11. Que le ministère du Procureur général travaille à l’amélioration du suivi des affaires passant par les tribunaux de la santé mentale et de traitement de la toxicomanie pendant sa transition vers le nouveau système de gestion des enquêtes et en rende compte au Comité.

 

 

Liste complète des recommandations du Comité

Le Comité permanent des comptes publics recommande ce qui suit :

1. Que le ministère du Procureur général fournisse annuellement des données à jour au Comité sur le nombre actuel d’affaires criminelles en attente d’une décision, le nombre moyen de jours requis pour instruire une affaire criminelle et la méthode de règlement employée.

2. Que le ministère du Procureur général continue de travailler avec le ministère du Solliciteur général et les services de police pour inciter tous les services de police à signer le protocole d’entente cadre sur la divulgation.

3. Que le ministère du Procureur général, de concert avec le ministère du Solliciteur général, remette au Comité une liste des services de police ayant signé le protocole d’entente cadre et ceux qui ne l’ont pas, ainsi que les raisons pour lesquelles certains ne peuvent pas le signer.

4. Que le ministère du Procureur général détermine les ressources nécessaires pour examiner la preuve électronique et compare l’Ontario au reste du Canada.

5. Que le ministère du Procureur général rende compte au Comité du moment et de la mise en œuvre du système de gestion des cas de la Cour de justice de l’Ontario et de la Cour supérieure de justice.

6. Que le ministère du Procureur général continue son travail avec le ministère du Solliciteur général et les services de police pour analyser les avantages potentiels à passer à un système de consultation préalable à l’inculpation et rende compte de ses observations au Comité.

7. Que le ministère du Procureur général envisage d’instaurer plus de centres de justice et présente ses conclusions au Comité.

8. Que le ministère du Procureur général surveille l’élargissement du programme des procureures et procureurs de la Couronne chargés de filtrer les dossiers de mise en liberté sous caution et son incidence sur le temps requis pour trancher les libérations sous caution.

9. Que le ministère du Procureur général poursuive sa collaboration avec la Cour de l’Ontario afin d’évaluer si l’allongement des heures de séance des tribunaux de cautionnement permettrait de réduire le nombre moyen de jours requis pour trancher les libérations sous caution.

10. Que le ministère du Procureur général continue de collaborer avec la magistrature et les autres parties prenantes afin d’encourager l’adoption d’indicateurs de rendement pour les tribunaux de la santé mentale.

11. Que le ministère du Procureur général travaille à l’amélioration du suivi des affaires passant par les tribunaux de la santé mentale et de traitement de la toxicomanie pendant sa transition vers le nouveau système de gestion des enquêtes et en rende compte au Comité.