Gagnants 9e et 10e années

9e et 10e année – MENTION HONORABLE
ERREURS FATALES
HEATHER EAST

La petite ville de Pearce, en Ontario, n’a pas l’habitude d’être au centre de l’attention nationale. Avec sa population de moins de 4 500 âmes, elle n’intéresse pas grand monde. La plupart des gens conviendraient que Pearce est une ville tranquille, voire ennuyeuse. Elle n’est pas une attraction touristique, aucun ne doute là-dessus.

Pierce est surtout peuplée de familles. C’est une très vieille ville, fondée il y a plus de deux siècles, alors que le Canada n’était pas encore un pays. Certains de ses résidents ont des ancêtres qui ont défriché le territoire actuel de la ville.Il est donc surprenant que le pays tout entier ait les yeux rivés sur cette ville tout à fait ordinaire – à un détail près.

Étant donné les circonstances, cette attention est entièrement compréhensible.

La vague de meurtres qui touche Pearce horrifie tout le sud de l’Ontario. C’est normal : ce genre de choses n’est pas censé arriver dans les petites villes tranquilles. L’autre raison pour laquelle tous les grands journaux et magazines canadiens en font leurs choux gras, c’est que le meurtrier court toujours.

En effet, il est intelligent : il ne laisse jamais le moindre indice derrière lui – hormis les corps de ses victimes.

Ce que les médias ne rapportent pas, c’est que les enquêteurs chargés de l’affaire sont encore plus intelligents que lui. Ils s’appellent Aaron Radford et Royce Gordon.

Dans la jeune trentaine, Aaron est l’aîné de deux enfants. Contrairement à Royce, il n’est pas marié et n’a pas d’enfants. Sa seule priorité est de sauver des vies. En plus, il n’a pas encore trouvé de femme capable de tolérer sa personnalité légèrement obsessive. Toutefois, son sens aiguisé de l’observation fait de lui un bon enquêteur. Pour le moment, sa vie se résume à son emploi et à son partenaire.

La vingtaine avancée, Royce est marié à Marilyn. Ils ont deux enfants, un garçon et une fille. Avant, ils en avaient trois. Sa fille aînée, Cecelia, est morte de la leucémie il y a un an et demi. Elle n’avait que neuf ans. Royce ne s’en est jamais vraiment remis. Comment le pourrait-il?

Royce avait l’habitude de dire que sa femme, ses enfants et Aaron étaient tout ce qui lui importait. Avant, il était d’un naturel heureux, et sa bonne humeur était contagieuse. Même Aaron n’y était pas immun. Quand Royce souriait, tout le monde souriait; quand il riait, tout le monde était pris de fou rire. Sa personnalité avait changé après la mort de Cecelia. Il était devenu sombre et distant, et s’était donné pour mission de redresser tous les torts du monde. Encore plus que son partenaire, il s’est perdu dans son travail.

Depuis quelque temps Aaron trouve que c’est un problème. Son partenaire est devenu un danger public.

Aujourd’hui, quelque chose cloche chez Royce. Grâce à son sens aigu de l’observation, Aaron le remarque immédiatement. Il voudrait savoir ce qui se passe, mais pour les sujets autres que Marilyn, Royce est peu loquace. À cet égard, Aaron et lui sont identiques.

« Ça va? », demande Aaron en s’assoyant dans la voiture de Royce. « T’n’as pas l’air de filer. »

« Je vais bien », répond Royce, la voix hésitante. « T’n’inquiètes pas pour moi. »

Souhaitant respecter l’intimité de son ami, il n’insiste pas.

Première erreur.

Dans le stationnement du restaurant que Royce a choisi, Aaron remarque que pour la première fois, son partenaire met ses clés dans la poche gauche de son veston. Comme il est droitier, il met toujours ses clés dans sa poche droite. Examinant le veston de plus près, Aaron constate qu’il y a quelque chose dans la poche droite. Étrange. Royce n’est pas du genre à surcharger ses poches; il ne transporte habituellement que ses clés et son portefeuille. Ce qu’il a dans sa poche semble être autre chose. C’est un petit objet rectangulaire, mais assez gros pour faire une bosse.

S’il avait fait soleil, Aaron aurait vu que l’objet était en métal lorsqu’il aurait reflété la lumière. Il aurait peut-être même vu que l’objet était en fait en acier inoxydable.

Lorsqu’Aaron lui demande ce qu’il cache dans sa poche, Royce répond encore d’une voix hésitante, qui, cette fois-ci, laisse transparaître une certaine exaspération : « Laisse tomber! »

Aaron lève les mains pour indiquer qu’il obtempère, et les deux hommes entrent dans le restaurant.

Aaron est tellement absorbé par le secret de Royce qu’il ne remarque même pas que celui-ci ne commande pas son repas habituel. Il prend habituellement un sandwich BLT et un coca, mais aujourd’hui, il se contente d’une tasse de café. Ce comportement est particulièrement inhabituel chez Royce, dont la matière préférée à l’école était le dîner.

Deuxième erreur.

Aaron remarque toutefois les tremblements qui secouent la main de Royce alors qu’il boit son café. Il ne peut pas avoir si froid, on n’est qu’à la mi-septembre.

« Tu es sûr que ça va? », demande Aaron. Avant que Royce puisse protester, il ajoute : « Tes mains tremblent. »

Royce ne répond pas. Il jette un regard à Aaron, se lèche les lèvres et dépose sa tasse. Il se lève et dit à Aaron qu’il doit aller aux toilettes. Encore une fois, Aaron ne dit rien.

Troisième erreur.

Lorsque Royce revient quelques minutes plus tard, il a les mains enfoncées dans les poches. Il semble nerveux, voire effrayé. « Je dois y aller », dit-il.

« D’accord, attends-moi un instant », dit Aaron, avant de prendre une bouchée de son grilled cheese. Il n’a pas fini son repas, mais quelque chose ne tourne pas rond chez Royce et il veut partir avec lui. Aaron brûle de savoir ce que son ami cache. Peut-être lui révélerait-il son secret durant le retour au poste.

« Non... je veux être seul », répond Royce avant de tourner les talons.

Royce sort du restaurant, s’assoie dans la voiture et s’en va, laissant Aaron abasourdi. Heureusement, ils ne sont qu’à cinq pâtés de maisons du poste.

Aaron a laissé son partenaire partir malgré son comportement étrange. Il a même laissé Aaron payer son café. Celui-ci jette un billet de vingt dollars sur la table et se prépare à sortir quand il entend un cri.

Il court en direction du cri, qui provient du couloir menant aux toilettes. Il y voit un homme qui tient une femme contre lui. Tous deux semblent être des employés du restaurant : ils ont un tablier et un porte-nom. En pleurs, la femme cache son visage contre l’épaule de l’homme, qui regarde la porte des toilettes, l’air horrifié. On dirait qu’ils ont vu quelque chose d’horrible.

Aaron regarde l’homme, qui fixe la porte sans bouger. Ils le lui diraient si le meurtrier était à l’intérieur, non? Qu’est ce qu’il peut y avoir de si terrible derrière cette porte? Il n’y a sans doute pas grand-chose à craindre.

Quatrième erreur.

En une seconde, Aaron comprend le choc des employés.

Les carreaux blancs qui recouvrent les murs et le comptoir sont maculés d’empreintes de main ensanglantées, comme si quelqu’un avait frappé le mur à répétition, puis s’était appuyé pour reprendre des forces. Le miroir est cassé, des fragments sont encore accrochés au mur, d’autres sont éparpillés sur le comptoir et dans le lavabo. Quelqu’un en colère s’est peut-être défoulé sur le miroir? Il est peut-être resté dans les toilettes pour se calmer?

Aaron a toujours été trop optimiste.

Il comprend que ce n’est pas le cas lorsqu’il aperçoit deux pieds dépassant sous la porte d’une cabine. On dirait qu’une personne est assise par terre, adossée à la toilette. Aaron veut en avoir le cœur net. Il cogne à la porte, qui s’ouvre dès qu’il y touche. Il comprend immédiatement ce qui a fait si peur aux deux employés.

Le sang provient de l’homme adossé à la toilette. On lui a coupé la gorge, apparemment à l’aide d’un fragment du miroir. Comble d’horreur, du sang s’écoule encore de son cou. Ses yeux sont à la fois vides et écarquillés, comme s’il était mort terrifié. Ç’a certainement été le cas. Sa main gauche forme un poing, comme s’il avait essayé de se défendre. C’est l’évidence même.

Aaron retourne voir les deux employés : « Avez-vous vu qui est entré là-dedans avec lui? »

« L’homme… l’homme de tout à l’heure... Le policier... Il est entré après lui, mais il est ressorti seul », explique l’homme, qui serre toujours la femme contre lui afin de lui épargner la vision d’horreur. Tous deux semblent avoir trop peur pour s’éloigner de la porte.

Lorsqu’il saisit le sens de ce que l’homme vient de lui dire, Aaron se sent défaillir. Royce. Royce les a tués. Voilà donc son secret, la raison de son comportement étrange ces derniers temps. Il est le meurtrier de Pearce. Il l’a toujours été.

Pendant une seconde, Aaron se convainc presque qu’il n’a pas besoin de dénoncer Royce. Il n’a pas besoin de parler de ce meurtre à quiconque. Il pourrait dire que l’homme et la femme mentent, qu’ils délirent. Il pourrait trouver de l’aide pour Royce. Il pourrait l’aider à quitter la ville, à se cacher assez loin et assez longtemps pour que personne ne se doute que c’est lui.

Il se rend vite compte qu’il n’arriverait jamais à duper tout le monde. Qui plus est, ce n’est pas la bonne chose à faire : ce serait contraire à tous ses principes et instincts d’enquêteur, ainsi qu’au code qu’il s’efforce de faire respecter jour après jour.

Ami ou pas, Royce a peut-être tué quelqu’un. Aaron ne peut en être certain. Toutefois, si c’est vraiment le cas, il va devoir payer. Royce doit être arrêté et il doit recevoir l’aide dont il a besoin.

Aaron prend donc la radio accrochée à sa ceinture : « Ici l’enquêteur Radford, je dois signaler un septième homicide… » Il se lèche les lèvres et soupire doucement avant de poursuivre à contrecœur : « … et un suspect. »

Il espère de tout cœur qu’il ne vient pas de commettre sa cinquième erreur de la journée.

9e et 10e ANNÉE – GAGNANTE
IRONIE DU SORT
LAURA BROWN

« Qu’est-ce que tu veux que je te dise, Jonathan! »

Je m’insurge : « Jake, pourquoi est-ce qu’il n’est pas encore apparu? J’ai presque 19 ans! »

J’aurai bientôt 19 ans et ce fichu nom n’est pas encore apparu. Et si le destin m’avait abandonné?

Tout le monde a un amoureux, une âme sœur, un partenaire, peu importe le terme choisi. Dès votre 18e anniversaire, son nom peut apparaître à tout moment au bas de votre paume, comme un tatouage. Votre nom apparaît aussi dans la paume de votre être cher. Habituellement, le plus difficile est de trouver l’autre. L’être aimé habite souvent dans votre pays, mais le chercher est une véritable quête!

Si le tatouage n’apparaît pas sur votre peau durant votre 19e année, c’est que le destin ne vous a trouvé personne et que vous devrez le faire vous-même. On dit que, lorsque vous avez trouvé la bonne personne, c’est le paradis. Lorsque vous tombez véritablement amoureux de votre partenaire, votre tatouage devient rouge. Mes parents racontent que quand ils se sont rencontrés, la présence de l’autre était tout simplement électrisante. Après seulement deux mois, leurs tatouages ont confirmé qu’ils étaient amoureux.

J’aurai 19 ans dans deux semaines et mon tatouage n’est toujours pas apparu. J’ai perdu tout espoir, tout comme Jake, mon meilleur ami. Son nom est apparu le lendemain de son anniversaire. Elle s’appelle Jessie. Jake ne l’a pas encore trouvée, mais il continue à chercher. L’été approche. Tout le monde profite de la saison pour chercher leur âme sœur. Je suis convaincu que je n’aurai personne à chercher. J’attendais mon 18e anniversaire avec impatience. Je n’aurais jamais cru que ce serait aussi long.

« Va te coucher, man, on a fait le tour du sujet », dit Jake en déposant sa tête sur l’oreiller. Le matelas gonflable sur lequel il dort est vieux et sens mauvais, mais nous avons tous les deux l’habitude.

En m’endormant, je ressens un léger chatouillement à la main gauche. Le lendemain matin, je suis réveillé par Jake, qui crie en sautant sur le lit : « Il est là! Il est là! » Deux semaines – enfin, une semaine et demie – avant la date limite, mon nom est apparu comme par magie.

Je regarde ma main, où le prénom Alex est désormais inscrit en lettres attachées noires. C’est magnifique. Ce n’est pas vraiment un tatouage, on dirait que le nom fait partie de ma peau. Des fois, les gens n’ayant pas reçu de nom s’en font tatouer un, car ils désespèrent de trouver l’amour. Malheureusement, ils ne ressentent rien quand ils rencontrent « l’âme sœur ». Le destin est fixé depuis la nuit des temps, il ne peut être changé. Personnellement, je suis heureux d’avoir évité – de justesse – ce triste sort.

« Je suis sûr qu’elle est superbe », dit Jake qui regarde mon nom en riant.

« Bonne chance pour la trouver », ajoute-t-il à la blague, même si je savais qu’il était sérieux.

Lorsque mes parents ont vu ma paume, ils m’ont invité au restaurant pour célébrer. Mon pire cauchemar venait de prendre fin, je méritais bien de m’amuser un peu.

Je sais que mes parents se sont inquiétés. Ma mère a attendu son nom pendant un mois et mon père, pendant une semaine. Celui de mon grand frère est apparu après trois mois. C’était en plein milieu de l’été. Il est immédiatement parti à la recherche de l’élue, et il vient tout juste de la trouver. Elle s’appelle Anna. Ils sont ensemble depuis un mois. Il est chanceux de l’avoir trouvée après seulement un an et demi : mon grand-père a cherché son amoureuse pendant quatre ans.

Il disait d’ailleurs toujours : « Si le destin te fait attendre, c’est sûrement pour une bonne raison. » C’est peut-être parce que je suis spécial. Le nom d’Alex deviendra peut-être vert. Par contre, je ne connais personne dont le nom est apparu aussi tard. Ça m’inquiète un peu. Et s’il y avait quelque chose qui clochait chez cette Alex? J’espère qu’elle est normale.

Je l’imagine comme une petite brunette pleine de vie. Elle n’est pas beaucoup plus petite que moi, et ses yeux bleus arrivent presque à la hauteur de mes yeux verts. Je me demande si elle me cherche déjà. Jake pense que oui.

D’habitude, mon grand-père a toujours raison. Cette fois-ci, j’aurais préféré que non. La raison pour laquelle le destin m’a fait attendre est extrêmement surprenante.

En fin de compte, j’ai trouvé Alex rapidement, une semaine après mon 19e anniversaire. Je dois admettre que je ne la cherchais pas activement. Le jour après l’apparition de son nom, Jake a insisté pour que nous allions la chercher en ville. Après ce jour, je n’ai pratiquement rien fait, car Jake et moi avions convenu d’attendre l’été.

J’ai fini par trouver Alex dans le parc à côté de chez moi. Le destin a été particulièrement gentil avec moi : j’ai trouvé mon âme sœur en deux semaines, sans faire le moindre effort.

La journée avait été parfaite jusqu’à ce que je rencontre Alex. C’est à ce moment que ma vie a été complètement bouleversée.

C’était un vendredi soir après le souper, il devait être 18 h 30. Il faisait humide à London, mais un soleil printanier caressait les jeunes feuillages. J’ai dit à mes parents que j’allais au parc, j’en avais assez des jeux vidéo.

Je marche tranquillement dans le parc pour me détendre quand soudainement, j’entends quelqu’un pleurer. J’essaie de me rapprocher des pleurs, qui semblent venir d’un des sentiers de promenade qui traversent le parc. Je poursuis mes recherches.

En m’enfonçant dans les bois, je trouve la source du bruit. Il s’agit d’un garçon de mon âge, assez petit, assis sur un banc à côté du sentier. Il a les genoux repliés contre la poitrine et la tête cachée entre les genoux.

« Salut, dis-je doucement, est-ce que ça va? » Je m’approche du banc et m’assois à côté du garçon, ce qui le fait gémir encore plus. Ses cheveux sont beaux et délicats. À cause de son chandail foncé, j’ai du mal à le voir.

« Laisse-moi tranquille », dit-il doucement, la voix étouffée par les sanglots.

« Je veux t’aider, je le jure. Dis-moi seulement ce qui ne va pas », dis-je doucement pour le calmer. Sa tristesse me fait de la peine.

« C-c’est mon tatouage. » Il me regarde avec de grands yeux bleus remplis de larme. Mon cœur se brise presque en deux. Je me rapproche de lui. Je ne sais pas pourquoi, mais sa présence me réchauffe.

« Que se passe-t-il? Il n’est pas encore apparu? » Il n’en a peut-être pas reçu, le pauvre…

« Non, i-il est apparu il y a un an. M-mais je le cache avec du maquillage. » Il regarde nos cuisses qui se touchent. De toute évidence, il sent aussi qu’il se passe quelque chose entre nous.

Je lui demande innocemment pourquoi.

« Ça n’a pas d’importance! », crie-t-il. Je comprends qu’il se sent coupable.

« Oh, pardon. » Je pose délicatement ma main sur son dos et commence à le frotter doucement. Il sursaute, mais se calme rapidement, réconforté par le contact.

« M-ma mère pensait que j’étais l’un des malchanceux... Elle a… elle a vu mon poignet un soir, au souper. J’ai tendu le bras pour prendre mon verre, j’avais oublié de couvrir mon tatouage. » Il semble avoir honte. Il ne sanglote plus, mais des larmes coulent encore le long de ses joues.

« Elle devrait être contente, non? Tu as une âme sœur! », dis-je avec un enthousiasme, qui ne réussit pas à réconforter le garçon.

« Non... C’est parce qu’il y a un problème. » Il remonte la manche de son chandail et sur la peau claire de sa paume, je vois mon prénom. « C-c’est un prénom de g-garçon! »

Je le regarde droit dans les yeux, lui tenant toujours le bras, et, sous le choc, lui demande : « Alex? »

Le garçon sursaute, s’éloigne de moi. « Jonathan? »

Je fronce les sourcils. « Tu peux m’appeler Jo si tu préfères. »

Un million de pensées me traversent l’esprit. Je croyais qu’Alex était une fille! Comment peut-il être un garçon? Il doit y avoir une erreur. Qu’est ce que Jake va penser!? Qu’est ce que mes parents vont penser?! C’est pour ça que le destin m’a fait attendre si longtemps, parce qu’il y avait une erreur! Le destin s’est trompé! C’est la seule explication possible!

Nous échangeons nos numéros de téléphone avant de partir chacun de notre côté.

À la maison, je cours voir mes parents en larmes et leur raconte ce qui vient d’arriver. Je leur dis qu’Alex est un garçon et que mon nom est apparu sur sa main il y a un an. Je leur dis que je l’ai réconforté et que maintenant, il doit dire à sa mère qu’il a rencontré son âme sœur – un garçon. Il risque de se faire expulser de chez lui!

C’est déjà difficile d’être le cadet et d’être constamment comparé à mon grand frère. En plus, mon âme sœur, mon amoureux, mon compagnon pour la vie est un garçon! C’est de pire en pire.

Je dis à mes parents comment je me sentais quand j’étais assis près d’Alex. Ils m’écoutent en silence. Je sais que c’est une erreur, que le destin s’est trompé. Sauf que j’ai beau le nier, au fond de moi, je sais que j’ai ressenti quelque chose, la même émotion que mes parents ont ressentie quand ils se sont rencontrés.

Apparemment, une personne sur cent a une âme sœur du même sexe. Apparemment, c’est tombé sur moi. J’envoie un message texte à Alex pour lui en parler. Il dit qu’il habite maintenant chez sa sœur, qui a un condo tout près de chez moi. Je sais que toute cette situation le met mal à l’aise. Mais c’est lui, mon âme sœur, l’amour de ma vie. Nous ne l’avons pas encore dit à grand monde. Je suis heureux que mes parents nous aient acceptés, contrairement à la mère d’Alex. Nous allons passer notre vie ensemble, autant commencer du bon pied.

Nous sommes d’abord devenus meilleurs amis. Sur le plan de la personnalité, Alex est tout ce dont j’ai toujours rêvé. Nous allons à la même université, où nous avons deux cours en commun. Au début, Jake était méfiant. Il était jaloux de mon nouvel ami. Je lui ai donc dit la vérité...

Il ne l’a pas du tout bien pris. Il s’est mis à me détester et à m’insulter dès que je le lui ai annoncé. C’était horrible. Il refusait de comprendre que ce n’était pas mon choix. Malheureusement, il n’est pas le seul. Si seulement les gens pouvaient se mettre à ma place, ils comprendraient. J’ai cessé d’aller à l’église, j’avais peur que Jake ait révélé mon secret au prêtre. Alex a fait de même.

Alex me dit qu’il refuse de se laisser effrayer. Il me dit que même si nous ne sommes qu’amis pour le moment, un jour, nous serons des amoureux. Il a raison, évidemment. Son prénom sur la paume de ma main est devenu rouge un mois après notre rencontre. Nous sommes si jeunes, et la route devant nous s’annonce si difficile! Heureusement, nous sommes ensemble. Le destin ne s’est pas trompé, je ne suis pas une expérience qui a mal tourné. En fait, je suis plutôt heureux du résultat. Quant à Alex, il est convaincu que le destin fait bien les choses, puisqu’il nous a réunis.